Parlons comics un peu, comme beaucoup de gens, je suis un amoureux du chevalier noir. Batman qui s’érige comme un humain résolu à faire face au mal et à sauver le monde quelque en soit le prix, quelque en soit son coût personnel.
En 2012, Lee Bermejo (qui a dessiné l’extraordinaire Joker scénarisé par Azzarello) décide d’adapter en 112 pages (publié chez Urban Comics) le conte de noël de Dickens. Il confronte ainsi le génial détective à son ennemi de toujours le Joker et l’interroge sur les raisons de sa croisade contre le crime.
Pour ceux qui ne connaissent par le conte original, voici un résumé rapide :
Citation
Le soir de Noël, un vieil homme égoïste et solitaire choisit de passer la soirée seul. Mais les esprits de Noël en ont décidé autrement. L'entraînant tour à tour dans son passé, son présent et son futur, les trois spectres lui montrent ce que sera son avenir s'il persiste à ignorer que le bonheur existe, même dans le quotidien le plus ordinaire.
Batman est donc confronté à sa nature d’humain si fragile, frappé d’un rhume, maltraité par le froid, il n’a jamais été aussi loin de son mythe d’immortel, tout en respirant la volonté dure, implacable de l’homme qui se dépasse par amour pour une ville qui le maudit. Batman n’a jamais autant été un masque pour Bruce Wayne qui fait de son mieux, damné parmi les vivant. Il est ici le monstre en proie au doute, qui doit savoir pourquoi continuer à se battre quand les coûts sont si grand et lui si fragile.
En ce qui concerne l’écriture, on regrettera quelque part le manque d’élégance dans l’adaptation qui a parfois la langue pateuse et l’enchainement entre les péripéties est parfois poussifs, nous rappelant que Bermejo est avant tout un dessinateur.
Mais après tout c’est ça qui rend cet œuvre si à part. Je n’ai jamais vu des dessins d’une tel qualité, la dichotomie entre Batman et Superman suinte tant le premier est réduit à son statut d’être humain faible maltraité par l’hiver et les années tandis que l’autre irradie d’une lueur tendre qui donne presque au parfait boy scout enfin quelque chose qui ressemble à une âme et qui m’a presque fait m’intéresser à son personnage.
Non, mais regardez-moi ce trait, ce dessin c’est du caviar :
Et c’est ça qui rend ce comics vraiment tendre dans mon cœur, puisque j’ai pour les dessins du gaillard une admiration sans borne, tout est particulièrement soigné, il s’approche de l’hyperréalisme par moment et je lui pardonne les libertés parfois maladroites de l’adaptation du conte tant j’ai été pris dans l’atmosphère si particulière de Gotham qui a l’âme dont nous parle si souvent le chevalier noir.
La question pour Batman c’est donc de savoir s’il peut demeurer dans sa quête, s’il peut continuer à perdre autant à chaque pas. On ressort de la lecture un peu hagard, fracassé par la puissance des dessins et par la posture de l’auteur qui fait de Bruce Wayne une figure de l’anti-héros, noir et sinistre, presque sans-âme, confronté à des démons qu’il a créés et maitre démiurge d’un enfer qui le tourmente ironiquement, cruellement.
C’est donc un récit noir, choyé par des dessins magnifiques, une de ces œuvres de pop culture si particulière que j’aimerais croiser plus souvent.
Pour une quinzaine d’euros, c’est l’un des comics que j’ai le plus apprécié lire, un de ceux qui se rapproche le plus d’une œuvre qu’on peut lire sans vraiment de culture comics, et c’est là l’une des deux forces du livre, avec les dessins orgasmiques qui ont l’élégance rare d’un artiste amoureux de son travail. Et ça n’a pas vraiment de prix si ce n’est un sourire indélébile et un coup de cœur majestueux.
Je vous laisse sur un dernier dessin, qui j’espère finira de vous convaincre comme il m’a convaincu il y a plus de cinq ans maintenant d’ajouter cette pièce à ma collection.