enavant123 | Date: Lundi, 18.12.2023, 19:08:28 | Message # 1 |
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| Les 22 BD, mangas et comics préférés des critiques du « Monde » en 2023 Les journalistes du Monde qui écrivent sur la bande dessinée, le manga et les comics vous proposent une sélection de leurs albums préférés parmi ceux parus au cours de l’année 2023. Une liste de vingt-deux titres dans laquelle piocher pour faire plaisir à l’occasion des fêtes de fin d’année.
Les choix de Pauline Croquet
« Evol », vol. 1 : désespoir adolescent et héroïsme véreux Pourfendeur de l’hypocrisie et fin observateur de ses contemporains, Atsushi Kaneko explore les ressorts du manichéisme dans cet intrigant récit aux contours super-héroïques. Ranimés à la suite d’une tentative de suicide, trois adolescents japonais y reçoivent des pouvoirs surnaturels. Incompris et sous pression, ils s’apprêtent à jouer la seule partition que la société leur accorde, celle des méchants nihilistes. A leurs trousses : deux héros aux pouvoirs héréditaires vêtus de cape et de masque, adulés, bien qu’à la solde de politiques véreux. Au-delà des dehors punk auxquels on le réduit souvent, Kaneko parvient à sonder les malaises et les aberrations sociétales. Evol – « Love », à l’envers, comme le disque de Sonic Youth – se pare de toute l’énergie graphique de l’artiste. Nerveuse à souhait, sa série flirte avec les codes des comics américains et s’épanouit pleinement dans le registre noir et blanc du manga. D’Atsushi Kaneko, traduit du japonais par Sébastien Ludmann, Delcourt, 272 p., 20 €.
« Mars » : romance sinueuse Pépite shojo dessinée à la fin des années 1990, Mars raconte le rapprochement sentimental entre deux lycéens ébréchés par la vie : Kira, jeune fille introvertie tourmentée par ses camarades, et Rei, le bad boy inconséquent et fan de moto. Archétypale et dramatique, la trame est sublimée par l’autrice, Fuyumi Soryo, dans sa capacité à suggérer les sentiments non dits, les élans affectueux et les témoignages de loyauté entre deux personnes que tout sépare, pavant ainsi de lumière un chemin romantique tortueux. De Fuyumi Soryo, traduit du japonais par Xavière Daumarie, Panini, 378 p., 16, 99 €.
« Blank Space » : l’imagination pour surmonter la cruauté Histoire d’amitié naissante entre deux ados marginales à l’imagination débordante, l’expansive Shoko et la discrète Sui, Blank Space flirte aussi avec la chronique d’une catastrophe annoncée. A fortiori quand le lecteur comprend que le pouvoir de Sui – générer de façon magique des objets invisibles mais fonctionnels – va bien au-delà de la fabrication d’un parapluie et permet à la jeune fille, victime de harcèlement scolaire, de matérialiser son malaise et sa sourde colère. Dans ce court récit en trois tomes, la mangaka Kon Kumakura se montre particulièrement inventive et habile pour dévoiler l’invisible. De Kon Kumakura, traduit du japonais par Alexandre Fournier, Casterman, 176 p., 8,45 €.
« The Summer Hikaru Died » : qui es-tu, mon ami ? Né de la plume d’un mystérieux auteur découvert sur les réseaux sociaux et dont le pseudonyme, Mokumokuren, fait directement allusion aux esprits japonais, The Summer Hikaru Died est de ces récits aussi frissonnants qu’intrigants qui préfèrent jouer efficacement d’un climat d’angoisse que de verser dans le gore. Ce séduisant manga émaillé de magnifiques cadrages et de jeux d’ombres bat au rythme de la relation ambiguë entre les deux personnages principaux, deux ados. Et frappe fort dès le premier chapitre quand le blafard Yoshiki découvre que son boute-en-train de meilleur ami, Hikaru, est mort et a été remplacé à son insu par une entité surnaturelle. De Mokumokuren, traduit du japonais par Manon Debienne, Pika, 180 p., 7,70 €.
Les choix d’Alexis Duval
« Sefardim » : l’exil et le royaume Le 30 novembre 2015, le monarque espagnol Felipe VI met fin à plus de cinq cents ans d’humiliation des juifs sépharades, chassés par les rois catholiques Ferdinand II et Isabelle Ire. L’ouverture du droit à la nationalité espagnole pour les descendants de victimes du décret de l’Alhambra de 1492 est l’occasion rêvée pour Anne Bénoliel Defréville de se plonger dans les méandres de son histoire familiale. Qui étaient les Bénoliel d’Andalousie ? Avec le pourtour méditerranéen comme terrain d’enquête, l’autrice se livre à une exégèse passionnante sur plus de trois mille ans. L’album, avec ses aquarelles d’une beauté saisissante, bouleverse en touchant à l’universalité de l’exil. D’Anne Bénoliel Defréville, Futuropolis, 160 p., 22 euros.
« Les Guerres de Lucas » : le processus créatif derrière Star Wars Une douzaine de films, des déclinaisons en séries sur Disney +, d’innombrables adaptations en livres… La franchise Star Wars se porte bien. A l’origine de cet univers à la popularité non démentie depuis bientôt cinquante ans, il y a un homme, George Lucas. C’est à cet esprit brillant, caractériel et méticuleux en diable que Renaud Roche et Laurent Hopman rendent hommage à travers l’évocation de ses trois premiers longs-métrages, THX 1138 (1971), American Graffiti (1973) et surtout La Guerre des étoiles (1977). L’ouvrage, qui fourmille d’anecdotes de tournage, échappe à l’hagiographie. Cette remontée dans le temps, au dessin captivant et à la narration ample, relève autant du making of que de l’histoire d’une réussite dont le cinéma hollywoodien a le secret. De Renaud Roche et Laurent Hopman, Deman Editions, 208 p., 24,90 €.
« Tango Volver » : et jamais ne revient En 1989, une île de Carélie du Nord, aux confins de la Finlande, est le théâtre d’une disparition. Celle de Seppo, qui se volatilise sans laisser la moindre trace. Pour son épouse et ses deux filles, l’absence est aussi douloureuse que les questions et les doutes qui vont les hanter… Si l’autrice Hanneriina Moisseinen a choisi de raconter son histoire familiale, c’est autant pour « faire son deuil » que pour concevoir un mémorial à ce père qu’elle ne peut oublier. A ses envoûtants coups de crayon, qui croquent l’âpreté de contrées reculées, la dessinatrice ajoute des photos de broderies traditionnelles qui ancrent davantage le récit dans le palpable. Une proposition graphique qui dit toute la délicatesse avec laquelle Hanneriina Moisseinen aborde la question de la mort. De Hanneriina Moisseinen, traduit du finnois par Kirsi Kinnunen, L’Employé du moi, 152 p., 26 €.
« L’Eté du vertige » : le maëlstrom de l’adolescence Assister à l’éclosion d’un auteur, en l’occurrence d’une autrice, est une source de plaisir ineffable. A la lecture de son premier roman graphique, le talent d’Adlynn Fischer est évident. La citation en épigraphe de l’écrivain LGBT Paul B. Preciado (« Ils disent pouvoir. Nous disons puissance ») donne le ton : le genre sera au cœur de l’ouvrage. La question est abordée avec délicatesse et justesse dans ce récit bâti autour d’une clique de lycéens dont une des fêtes sans fin dégénère. Dans cette variation autour du mal-être de l’adolescence – une période propice à l’expression de sentiments mêlés et de tourments intérieurs – , les palettes chromatiques, d’une beauté saisissante, se révèlent particulièrement adaptées. Un album tout en nuances. « L’Eté du vertige », d’Adlynn Fischer, La Ville brûle, 232 p., 22 €.
Les choix d’Adrien Le Gal
« Les Oiseaux de papier » : le corbeau et le kolbar Difficile d’imaginer Téhéran comme un havre de liberté. Et pourtant, Rojan et Jalal rêvent de la grande ville, promesse d’anonymat qui leur permettrait de vivre leur amour secret et de s’extirper du Kurdistan iranien. Rojan, promise par son père à un commerçant, tisse des tapis toute la journée pour économiser quelques tomans. Quant à Jalal, ingénieur au chômage, il rejoint les rangs des « kolbars ». En échange d’une commission ridicule, ces contrebandiers transportent de lourds paquetages de marchandises sur leur dos, depuis l’Irak voisin. Sous la plume du dessinateur iranien Mana Neyestani, réfugié politique en France depuis 2011, aucun propos n’est gratuit. L’album met certes en lumière la condition scandaleuse des « kolbars », piégés par la pauvreté. Mais, à travers le drame qui se noue entre les membres de cette équipée pitoyable, s’écrit d’abord un récit au suspense superbement ficelé. De Mana Neyestani, Çà et là-Arte Editions, 208 p., 20 €.
« La Bête 2 » : un Palombien dans la ville Y a-t-il chose plus vile que le trafic d’animaux sauvages en provenance d’Amazonie ? Peut-être la tentation, pour un lecteur mal avisé, de négliger le tome 2 de La Bête, intrépide réinvention du personnage du Marsupilami, tiré malgré lui de la luxuriance de sa jungle palombienne et plongé dans le Bruxelles sombre et poisseux des années 1950. La créature tachetée, qui s’appelle encore « Lange Staart » (longue queue en néerlandais), est malmenée dans ce deuxième opus : traquée, enfermée, électrocutée, quasi disséquée, elle est confrontée, à chaque page ou presque, à la bassesse humaine. Seule la personnalité lumineuse de François, le gamin bruxellois qui l’a recueilli, vient éclaircir le tableau. La vaine quête du jeune garçon – rejoindre son père naturel, un ancien soldat allemand qui a frayé avec sa mère pendant l’Occupation – se mêle avec bonheur à celle de l’animal pour retrouver sa liberté. De Zidrou et Frank Pé. Dupuis, 208 p., 35 €.
« Les Imbuvables » : l’énergie de la sobriété Julia Wertz est une acharnée de la BD. Pour vivre à New York et payer le loyer de son studio en sous-sol, elle s’impose un rythme de travail absolument stakhanoviste. Dans ses rares moments de liberté, elle marche dans les rues de la ville qui ne dort jamais, lors d’intenses séances d’exploration urbaine. Et, à partir de 17 heures, elle se soûle méthodiquement afin d’avoir une chance de trouver le sommeil. Aurait-elle un léger problème d’alcool ? Probablement. Mais le chemin de l’autrice vers la sobriété, fil rouge de l’album, ne saurait le résumer entièrement : Les Imbuvables est avant tout un hilarant récit introspectif, autant qu’un magnifique voyage dans les tréfonds des bizarreries et des vestiges de New York. De Julia Wertz, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Aude Pasquier, L’Agrume, 320 p., 26 €.
« La Distinction » : chacun pour soi, Bourdieu pour tous Existe-t-il, pour les adolescents, une méthode infaillible et universelle pour faire enrager leurs parents ? Sans doute leur lire à haute voix quelques paragraphes bien sentis de La Distinction (Pierre Bourdieu, Minuit, 1979), exposant cruellement les raisons pour lesquelles ils aiment – ou non – les plats surgelés, le lino, l’opéra ou le street art. Le livre, présenté par un jeune prof à sa classe, fait l’effet d’une bombe et suscite chez les lycéens une rage salvatrice contre les déterminismes sociaux. Avec cette adaptation audacieuse et créative, Tiphaine Rivière démontre que, en quatre décennies, La Distinction n’a pas pris un gramme de poussière. De Tiphaine Rivière, Delcourt, 288 p., 27,95 €.
Les choix de Cédric Pietralunga
« Golden West » : chute et rédemption Christian Rossi, 68 ans, n’a pas la reconnaissance qu’il mérite. Dans ce western, l’un de ses thèmes favoris, déjà exploré avec les séries Le Chariot de Thespis (Glénat, 4 tomes), Jim Cutlass (Casterman, 7 tomes) et W.E.S.T. (Dargaud, 6 tomes), l’auteur relate la chute puis la rédemption de Woan, un jeune Apache pris sous son aile par Geronimo, chaman devenu guerrier de légende. Au-delà des péripéties et des nombreuses scènes d’action, Rossi y expose son amour du Grand Ouest et des tribus indiennes, dont la spiritualité et l’organisation sociale le fascinent. Les dessins, réalisés à l’acrylique et au feutre, sont un modèle de clarté. Ce n’est pas un hasard si quelques-uns des meilleurs dessinateurs réalistes actuels, comme Matthieu Bonhomme ou Emmanuel Lepage, sont passés par l’atelier de cet ancien disciple de Jijé et de Mœbius. De Christian Rossi, Casterman, 176 p., 34,90 €.
« Motorossa » : le vertige de la vitesse Depuis la mort de sa mère, Franca vit comme en apnée. Rentrée dans sa ville natale de Carbonia, dans le sud de la Sardaigne, la jeune Romaine se demande quel sens donner à sa vie quand, au retour d’un après-midi à la plage, elle monte derrière la moto de son ami Silvio. Les virages serrés, le rugissement du moteur, le cerveau débranché, c’est la révélation : dès le lendemain, Franca s’achète une Ducati 900 Supersport rouge. Mais à Carbonia, on n’aime pas trop se faire singer par ceux du continent. Qu’importe, Franca va leur montrer de quoi elle est capable et s’inscrit à une célèbre course de la région… Pour son premier album de BD, l’illustrateur Jean Aubertin, aidé de sa compagne Adèle Albrespy, réussit le pari, grâce à un trait naïf et une atmosphère singulière, d’aborder des thèmes comme le deuil ou le passage à l’âge adulte à travers le récit d’une compétition de motos. D’Adèle Albrespy et Jean Aubertin, Dargaud, 160 p., 20,50 €.
« Adieu Aaricia » : le retour de l’éternel Thorgal Personnage emblématique de la BD franco-belge, créé en 1977 par Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski, le Viking Thorgal s’offre une nouvelle collection, où des auteurs viendront chacun raconter un épisode différent de la vie de « l’enfant des étoiles ». Signé Robin Recht, le premier opus va au-delà du coup marketing. On y découvre le héros vieilli, perclus d’arthrose, le souffle court. Détruit par la mort de sa femme Aaricia, qui l’accompagne depuis l’enfance, Thorgal se laisse séduire par le serpent Nidhogg, personnage maléfique de la mythologie nordique, qui lui propose de remonter le temps pour retrouver son aimée. Mais le passé ne ressemble pas à celui que le vieillard a connu. Pour sauver Aaricia, Thorgal n’a alors d’autre choix que de s’allier à son double adolescent… Déjà auteur d’une remarquable adaptation de Conan le barbare, Robin Recht apporte à la série l’âpreté de son style. Une belle surprise. De Robin Recht, Le Lombard, 112 p., 21,50 €.
« Voleur de feu. Une vie d’Arthur Rimbaud » : éveil à la poésie « C’est un trou de verdure où chante une rivière… » Si tout le monde connaît les premiers mots du Dormeur du val, la vie d’Arthur Rimbaud, mort à 37 ans, reste pour une part méconnue. Dans le premier tome d’une série qui devrait en compter cinq, Damien Cuvillier retrace l’enfance du poète, marquée par une mère rigide et ambitieuse – il l’appelait « la bouche d’ombre ». L’album s’attache à comprendre l’éveil à la poésie de Rimbaud, le rôle de son professeur de rhétorique, ses émois adolescents à la vue des corps d’ouvriers lors des moissons, le carcan de la petite bourgeoisie de Charleville… Les dessins à l’aquarelle de Damien Cuvillier méritent à eux seuls la lecture de ce magnifique premier volume. De Damien Cuvillier, Futuropolis, 104 p., 20 €.
Les choix de Frédéric Potet
« Monica » : névroses américaines Figure de proue de la bande dessinée américaine indépendante, Daniel Clowes publie son album le plus intime, et l’un des plus exigeants de sa biographie riche en « expériences de lecture ». Ici, neuf récits s’imbriquent (plus ou moins) pour n’en composer qu’un seul et relater la quête d’identité d’une femme née de père inconnu, abandonnée par sa mère alors qu’elle avait cinq ans et élevée par ses grands-parents (comme l’auteur). L’action commence à l’époque du Flower Power – période décrite avec force sévérité – et se termine dans l’Amérique d’aujourd’hui, ouverte au conspirationnisme. Entre les deux, Clowes s’approprie des composantes de la BD de genre (récit de guerre, romance, thriller, horreur…) pour mieux évoquer les névroses de son pays ou les sujets qui le hantent. Au service d’une narration aux ramifications nombreuses, son dessin suranné délivre une magistrale leçon. De Daniel Clowes, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Binsztok, Delcourt, 108 p. , 21,90 €.
« L’Illusion magnifique » : la scénariste qui se rêvait romancière Au cinéma, Alessandro Tota aurait fait un excellent story-boarder. Appliqué à la BD, son art de la narration génère des récits d’une fluidité exaltante. Le constat est encore plus vrai dans cet hommage, non pas au 7e art, mais au 9e. L’auteur italien retrace la genèse des comic books américains à travers le destin d’une jeune scénariste se rêvant écrivaine de romans pulp dans le New York des années 1930, période qui coïncide avec la naissance de Superman (1938) et de Batman (1939). Dotée au départ d’un patronyme masculin, Diana Morgan, alias Roberta Miller, va contribuer à cet âge d’or des superhéros en créant le sien propre, Dogman, au cœur d’un climat politique mêlant capitalisme et lutte des classes. Puisant autant du côté d’Hollywood que de la comédie dramatique italienne, Tota tisse une fresque sociale très documentée qui souligne les zones de friction éternelles entre art et industrie culturelle. D’Alessandro Tota, traduit de l’italien par Marc Lesage, Gallimard, 248 p., 29,90 €.
« Jumelles 2 » : hilarant traité d’adolescence Déclinée en trois cycles aux consonances identiques (Cruelle, Pucelle, Jumelle), la grande série autobiographique de Florence Dupré la Tour accueille un cinquième volume au propos particulièrement intime : raconter comment le lien fusionnel, quasi amoureux, qu’elle entretenait, enfant, avec sa sœur jumelle s’est peu à peu délité. Plus mature qu’elle, Bénédicte commence à sortir avec des garçons. La connivence inoxydable des débuts se mue en rivalité. Le « on » gémellaire vole en éclats sur l’autel de la différenciation. Florence, qui se considérait comme le « garçon du couple », erre comme une âme en peine dans le marigot des émois de l’adolescence. Aussi savant qu’un traité scientifique sur les fratries monozygotes, le récit n’en demeure pas moins un régal de lecture, truffé de scènes hilarantes. Un dessin enfantin, diablement expressif, accentue le plaisir et la force documentaire. De Florence Dupré la Tour, Dargaud, 216 p., 21,50 €.
« Chumbo » : une saga familiale brésilienne Ambitieux projet que celui de Matthias Lehmann de balayer l’histoire récente du Brésil – le pays de sa mère – à travers une saga familiale dont les protagonistes sont inspirés de parents proches. Impitoyable propriétaire de mines de manganèse, Oswaldo Wallace meurt trop rapidement pour accompagner le destin de ses cinq enfants, en particulier ses deux garçons, Severino et Ramires, que tout va opposer. Le premier, intellectuel de gauche, deviendra écrivain ; le second, héritier du cynisme paternel, fraiera avec la dictature militaire pendant les « années de plomb » (1964-1984). Le rapport entre les classes, l’émancipation féminine et la difficulté à s’affranchir de sa condition sociale jalonnent ce tableau au style hachuré, riche en emprunts iconographiques des époques visitées, à rebrousse-poil des nombreux clichés qui accompagnent le Brésil. De Matthias Lehmann, Casterman, 368 p., 29,95 €.
Les choix de Pierre Trouvé
« The Nice House on the Lake », t. 1 et 2 : le monde d’après De la bande dessinée (The Walking Dead) au jeu vidéo (The Last of Us) en passant par le roman (La Route), le récit post-apocalyptique est devenu un genre en soi dans le fantastique américain. The Nice House on the Lake impose un renouveau. Ses personnages ne vivent pas directement l’effondrement : ils l’expérimentent à travers leurs téléphones portables, confortablement installés dans la villa d’un ami commun appelé Walter. Pourquoi ont-ils survécu ? Que signifient les symboles associés à chacun ? Que manigance leur hôte ? Survivants mais prisonniers, les dix trentenaires doivent percer un inquiétant mystère. Une histoire fascinante, à mi-chemin entre un roman d’Agatha Christie et l’angoisse existentialiste de Jean-Paul Sartre. De James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno, traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Maxime Le Dain, Urban Comics, t.1, 184 p., 15 € ; t. 2, 192 p., 20 €.
« Marvel Comics Library. X-Men. Vol. 1. 1963-1966 » : les mutants à portée de main Incontestable à l’œil nu, la minutie du travail de la maison Taschen sur les archives de l’éditeur américain Marvel s’apprécie, aussi, avec le bout des doigts : le papier granuleux de cette anthologie des X-Men a été spécialement choisi pour rappeler les fascicules bon marché de l’industrie du « comic book » des années 1960. L’immersion dans les 21 premiers épisodes des aventures du télépathe Charles Xavier et de ses élèves mutants n’en est que plus magnétique. Les pages déploient une profusion de couleurs dans lesquelles s’ébroue un casting de personnages mythiques : Marvel Girl, Cyclope, Fauve, Scarlet Witch, Magneto… A l’imagination féconde du scénariste Stan Lee, le dessin explosif de Jack Kirby semble rendre la pareille. Cette réédition imposante se révèle à la mesure de l’héritage de la série. De Stan Lee et Jack Kirby (texte en anglais), Taschen, 666 p., 150 €.
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